Plaidoyer pour
Fr�d�ric-Guillaume Kalkbrenner
(1785 � 1849)

Kalkbrenner, par Vogt.
F. Kalkbrenner
( par Ch. Vogt, d'apr�s H. Gr�vedon, � BNF )
Fichier MP3 F. Kalkbrenner, Toccata pour piano, op. 108 (saisie, fichier audio Max M�reaux) DR.

 

Petit-fils de Michael Kalkbrenner, chef d�orchestre et de ch�ur en Westphalie -, fils de Christian Kalkbrenner (1), compositeur, chef d�orchestre et de ch�ur, violoniste et p�dagogue -, Friedrich-Wilhelm, appel� Fr�d�ric-Guillaume Kalkbrenner en France et en Belgique, un des plus grands pianistes concertistes virtuoses dans l�histoire du pianoforte, naquit dans une diligence entre Minden, dans l��lectorat de Hanovre, et Berlin le 7 novembre 1785 (10). Son p�re fut son premier professeur de piano et de th�orie et pr�senta au public de Minden et Cassel le jeune prodige �g� de cinq ans qui fut d�j� capable de jouer de m�moire le Concerto en r� majeur pour piano et orchestre de Joseph Haydn. Ensuite, il travailla avec un professeur napolitain avant d�entrer au Conservatoire de Paris en 1798 dans la classe de piano de Louis Adam (2) et en 1799 dans la classe d�harmonie de Charles Simon Catel (3). En 1801, Fr�d�ric-Guillaume Kalkbrenner obtint les premiers prix de piano et d�harmonie au Conservatoire de Paris, commen�a sa carri�re de concertiste et compositeur, se lan�a dans l�enseignement et publia ses premi�res �uvres chez Sieber & fils (importante maison d��dition musicale fond�e � Paris en 1758 par Jean-Georges Sieber et son fils, reprise par son petit-fils en 1834).

Effray� par les succ�s mondains et les nombreuses et �ph�m�res aventures amoureuses de son fils, son p�re d�cida en 1803 de l�envoyer � Vienne pour parfaire ses �tudes. Plong� dans le climat musical, spirituel et mondain de la capitale autrichienne qui lui convenait parfaitement, le jeune Fr�d�ric-Guillaume enrichit et �largit ses connaissances th�oriques et se familiarisa avec le contrepoint. �blouit et s�duit par le jeu du pianiste et compositeur anglais d�origine italienne Muzio Clementi (4), il modifia son approche du clavier et fit des progr�s techniques consid�rables qui �clips�rent sa sensibilit� remarqu�e et cultiv�e au Conservatoire de Paris par Louis Adam -, et influenc�rent son �criture dans ses compositions, surtout dans ses oeuvres pour le piano.

La mort soudaine de son p�re en 1806 l�obligea de rentrer � Paris o� il demeura pendant huit ans.

Il se rendit � Londres en 1814 et devint tr�s c�l�bre et respect� comme pianiste, compositeur et p�dagogue par la Cour, l�aristocratie et le grand public.

En 1818, Kalkbrenner composa � Londres IL Lamento, op. 36 b, Fantasia for Piano-forte : composed on the Death of Her Royal Highness Princess Charlotte, and Dedicated to the English Nation, d�di� � la nation anglaise, publi� la m�me ann�e par Clementi.

Avec le harpiste belge Fran�ois Joseph Dizi (n� � Namur le14 janvier 1780, mort � Paris en novembre 1840), Kalkbrenner entreprend en 1823 une triomphale tourn�e de concerts en Autriche et en Allemagne.

En 1824, il devient associ� de Camille Pleyel, n� � Strasbourg en 1788, mort � Paris en 1855, facteur de pianos, �diteur et n�anmoins compositeur � Paris.

La L�gion d�honneur lui fut d�cern�e en 1828 pendant le r�gne de Charles X. (Il n�accepta pas une d�coration de Louis-Philippe qui voulut l�ennoblir !)

Kalkbrenner effectua une nouvelle tourn�e en Allemagne en 1833, triompha surtout � Hambourg et � Berlin, et obtint la d�coration prussienne d� "Aigle rouge".

En 1836, il triompha en Belgique et obtint une d�coration royale de l�Ordre de L�opold.

Victime de podagre et des effets secondaires des pr�parations pharmaceutiques ordonn�es par ses m�decins traitants qui all�g�rent ses souffrances, mais affect�rent son syst�me nerveux, Kalkbrenner fut contraint d�espacer ses apparitions sur les estrades et dans les r�ceptions mondaines, mais continua � composer et enseigner avec la m�me ferveur et le m�me succ�s.

Retir� � Deuil-la-Barre, dans le d�partement actuel de Val d�Oise, depuis la R�volution de f�vrier 1848, Kalkbrenner n��chappa pas � l��pid�mie de chol�ra qui y s�vissait. Il se m�fia toujours des produits pharmaceutiques, se soigna d�abord aux pr�parations phytoth�rapeutiques, ensuite � l��lixir par�gorique, et mourut compl�tement d�shydrat� le 10 juin 1849. (11)

Kalkbrenner fut mari� (12) avec la riche, noble et beaucoup plus jeune que lui Marie d�Estaing, n�e en 1801 � C�phalo en Gr�ce, morte de chagrin en 1852 � Paris, petite-ni�ce de Charles Henri, comte d�Estaing, amiral et lieutenant g�n�ral, royaliste convaincu, guillotin� en 1794 pendant la Terreur. Ils eurent deux fils. Mais Kalkbrenner n�oublia jamais son �l�ve Mademoiselle Clotilde de Courbonne qu�il voyait r�guli�rement dans sa propri�t� de Rambouillet.

La dynastie musicale Kalkbrenner s��teignit avec son fils Arthur (1828-1859), pianiste de salon capable de jouer tr�s jeune la Sonate en si mineur, op.58 de Chopin, publi�e en 1844. Il s�agissait peut-�tre de la premi�re audition publique � Paris de la troisi�me Sonate pour piano de Chopin, qui l�entendit, l�applaudit et adressa quelques remarques concernant son interpr�tation � son p�re. Arthur Kalkbrenner fut aussi compositeur de bluettes � la mode de son temps figurant n�anmoins dans le catalogue du tr�s s�rieux �diteur parisien Sieber. Arthur Kalkbrenner (5) connut certains succ�s mondains dans les salons parisiens et devint �diteur vers 1860 en association avec son fr�re cadet. Il mourut de dissipation relativement jeune, � l��ge de 41 ans. Trait� d�avorton par Henri Heine dans son enfance, il devint bel homme, charmant, distingu�, �l�gant et sociable comme son p�re.

* * *

 

"Nous avons pour les grands et pour les gens en place une jalousie st�rile ou une haine impuissante, qui ne nous venge point de leur splendeur et de leur �l�vation et qui ne fait qu�ajouter � notre propre mis�re le poids insupportable du bonheur d�autrui. Que faire contre une maladie de l��me si inv�t�r�e et si contagieuse ?" se demande La Bruy�re dans son ouvrage Les caract�res, chapitre "Des grands".

Kalkbrenner, admir� par le public de Paris, Londres, Bruxelles, Vienne, Berlin, Francfort, Leipzig, Dresde, Hanovre, Hambourg, Stuttgart, Prague, par les rois Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, par la reine Victoria d�Angleterre et le prince consort Albert, par la reine Frederika Louise de Hesse Darmstadt, par les princes �lecteurs et landgraves germaniques, par la noblesse fran�aise, anglaise, belge et allemande, par les pianistes de renom international �merveill�s par sa technique transcendante et infaillible, la beaut� de son ton, son legato incomparable, son calme olympien et sa rigoureuse discipline rythmique, par les musiciens d�orchestre, les chefs d�orchestre et les critiques comp�tents, ne put �chapper � l�envi et � la jalousie des "grands", ses contemporains. Leurs bassesses inou�es furent contagieuses et, h�las, influenc�rent les biographes et musicographes du si�cle dernier, ainsi que l��crivain franco-suisse Guy de Pourtal�s, n� � Berlin en 1881, mort � Lausanne en 1941, qui donna une image peu flatteuse de Kalkbrenner, et de George Sand, dans son �uvre m�lodramatique romanc�e � outrance Chopin ou le po�te, publi�e en 1921 et largement diffus�e.

Dans son livre The Great Pianists (Les grands pianistes), publi� � New York en 1963, Harold C. Schonberg traite Kalkbrenner de freluquet, cite des anecdotes inv�rifiables et souvent invent�es de toute pi�ce, attach�es � sa personnalit�, tout en reconnaissant sa grandeur pianistique et sa gloire en Europe, pense que son jeu aurait pu �tre �motionnellement et dynamiquement limit�, mais n�explique pas l�engouement du public international pour ses concerts et pour ses �uvres. Aussi, constate-t-il que les compositions de Kalkbrenner, comme Effusio musica, avec lesquelles il titilla (sic) les salons de Paris et de Londres, furent emport�es par le vent et que, heureusement, elles ne furent jamais jou�es au vingti�me si�cle ! Toujours selon Harold C. Schonberg, le vent emporta ses op�ras, sonates, concerti -, et tant mieux (sic) ! Mais, Mr.Schonberg oublia que les compositions des grands pianistes Dussec, Thalberg, Cramer, Moschel�s, Maria Szimanowska, Caroline de Belleville (Chopin l�avait entendue et admir�e � Varsovie et � Paris et lui avait d�di� sa Valse op.70 n�2), L�opoldine Blahetka (Chopin l�avait entendue et rencontr�e � Vienne), Clara Schumann � avaient connu le m�me sort. Son hostilit� provint des m�disances inf�mes colport�es par les ennemis jaloux et envieux de Kalkbrenner qui le diffamaient en public et l�admiraient en silence. L�exclamation impayable de Schonberg si Chopin avait accept� la suggestion de Kalkbrenner d��tudier le piano avec lui pendant trois ans, Kalkbrenner aurait d�truit le talent pianistique le plus original du si�cle. Heureusement, la raison a pr�valu ! s�est av�r�e sans fondement.

La gentillesse, l�amabilit�, l�attrait physique, les bonnes mani�res, l'�ternel sourire refl�tant une vie priv�e heureuse et intense, le charme personnel et l�allure aristocratique, son vocabulaire pr�cieux, l��l�gance raffin�e et sobre � la foi de Kalkbrenner, ses triomphes professionnels et son immense r�ussite p�cuniaire g�n�rent le caustique Henri Heine : "Un observateur attentif voie (sic) se m�ler � sa conversation bien des berlinismes (sic) des plus populaciers qui d�notent une extraction de bas �tage." Henri Heine oublie que Kalkbrenner �tait fils et petit-fils de musiciens distingu�s, qu�il grandit � la cour de Potsdam -, et que son p�re et son grand-p�re �taient boutiquiers � D�sseldorf et que lui-m�me fut apprenti drapier � Francfort pendant trois ans ! Dans le m�me texte (6) Henri Heine cite une d�claration idiote d�un m�decin allemand r�sidant � Paris nomm� David Ferdinand Koreff, sp�cialis� en magn�tisme zoologique : � Cet homme a l�air d�un bonbon qui serait tomb� dans la boue. ï¿½ Cette m�taphore foraine plut beaucoup au grand po�te ! Toujours d�apr�s Henri Heine, ce m�decin trouva que les allures doucereuses de Kalkbrenner avaient �t� toujours entach�es de quelque vulgarit�. (On peut se demander si Koreff a vraiment rencontr� Kalkbrenner et pourquoi il parlait de Kalkbrenner avec Henri Heine. Peut- �tre, s�agit-il d�une m�chante invention de ce dernier, dont le psychisme fut affect� bien avant l�apparition des premiers sympt�mes de paralysie et de c�cit� par les s�quelles d�une syphilis aigu� mal soign�e). Sa  "maladie de l��me si inv�t�r�e" lui dicta ces boniments sardoniques vitriol�s qui "d�notent une extraction de bas �tage"� Kalkbrenner seul se maintient encore un peu. Il s�est de nouveau produit publiquement cet hiver dans le concert d�une de ses �l�ves ; autour de ses l�vres se joue toujours ce sourire embaum� que nous avons remarqu� l�autre jour aussi chez un pharaon �gyptien lorsqu�on d�balla sa momie dans une salle du mus�e de Paris. Apr�s une absence de plus de vingt-cinq ans, Kalkbrenner a derni�rement visit� de nouveau le th��tre de ses premiers succ�s, c�est-�-dire Londres, et il y a r�colt� les plus �clatants t�moignages d�approbation. Le meilleur de l�affaire, c�est qu�il est revenu ici saint et sauf, et que sa pr�sence � Paris donne un d�menti � tous les bruits sinistres et calomnieux qui avaient couru sur son compte. Il est revenu sain et sauf, les poches pleines de guin�es et la t�te plus vide que jamais. Il revient en triomphateur, et il nous raconte combien Sa Majest� la reine d�Angleterre a �t� enchant�e de le voir si bien portant, et combien elle s�est sentie flatt�e de sa visite � Windsor ou dans un autre ch�teau dont j�ai oubli� le nom. Oui, le grand Kalkbrenner est revenu sain et sauf � sa r�sidence de Paris o� il a retrouv� �galement en bonne sant� tous ses admirateurs, ses magnifiques piano-forte (sic) qu�il fabrique en compagnie de M. Pleyel, ses nombreux �l�ves qui se composent de tous les artistes auxquels il a parl� seulement une fois dans sa vie, et enfin sa collection de tableaux dont il pr�tend qu�aucun prince ne pourrait la payer.

Mendelssohn (son ennemi jur� qui n�eut point de succ�s � Paris, ni comme compositeur, ni comme pianiste), Clara Schumann (qui lui attribua les paroles qu�il n�avait jamais prononc�es, et dont la haine pour Liszt et son �cole fut bien connue en France et en Allemagne � son �poque, surtout apr�s la mort de son mari, qui oublia qu�elle avait d�but� � l��ge de neuf ans � Leipzig, � Gewandhaus, avec les Variations � quatre mains sur une Marche de Mo�se en �gypte de Rossini compos�es par Kalkbrenner et admir�es par son p�re Friedrich Wieck, et qu�elle imita son �criture dans ses premi�res pi�cettes), Liszt (jaloux d�immenses succ�s de son �mule qui avait vingt-six ans de plus que lui, effray� pour le succ�s mat�riel de ses transcriptions des neuf Symphonies de Beethoven par les �diteurs Breitkopf & H�rtel qui avaient d�j� publi� celles de Kalkbrenner bien avant) et Ferdinand Hiller (qui ne parvint pas � s�imposer au public fran�ais et rentra en Allemagne) ne cach�rent pas la haine st�rile et la jalousie impuissante qu�ils vou�rent � Kalkbrenner.

Le jeune Fr�d�ric Chopin, �tablit � Paris en 1831, admira Liszt, Henri Hertz, Ferdinand Hiller et tant d�autres excellents pianistes qu�il avait entendus. Il en fut part � sa famille en Pologne. Mais, apr�s avoir entendu Kalkbrenner, il �crivit � ses parents : Ils sont tous des z�ros compar�s � Kalkbrenner qui est un g�ant ! L�enthousiasme de Chopin fut tel qu�il d�cida de se pr�senter � Kalkbrenner, avec une recommandation �crite de Pa�r, qui le re�ut gentiment, l�entendit et constata que Chopin avait jou� � la mani�re de John Cramer (7) et John Field (8), (constatation tr�s flatteuse), mais qu�il n�avait pas de vraie �cole (fait incontestable). Il proposa de le prendre en mains pendant trois ans (affirmation de Chopin dont l�authenticit� est difficilement v�rifiable.)

Ces propos �bruit�s par Chopin, bien intentionn�s et mal interpr�t�s intentionnellement, indign�rent l�amour propre du professeur polonais de Chopin et provoqu�rent les d�tracteurs de Kalkbrenner. Ils furent ignominieusement exploit�s par les biographes de Chopin et les musicographes du XIXe et XXe si�cles.

En exprimant son admiration pour Kalkbrenner et en s�adressant � lui, Chopin reconna�t implicitement son inf�riorit� technique, comme il avait reconnu plus tard son inf�riorit� technique par rapport � Liszt en s�exclamant : "Ah, si je pouvais jouer mes �tudes comme Liszt !" On ne sait pas ce qu�il avait jou� au cours de sa premi�re visite chez Kalkbrenner. On peut supposer qu�il avait jou� les Pr�ludes et fugues de Bach, une Sonate de Mozart ou la Sonate op. 10, n�3 en r� majeur de Beethoven, �uvres qui figuraient au programme de ses r�citals dans les salons de l�aristocratie polonaise �tablie ou exil�e � Paris, et en province avec ses propres compositions. Kalkbrenner ne songeait pas � lui enseigner la composition !

Apr�s sa visite, Chopin d�dia � Kalkbrenner la version imprim�e de son Concerto en mi mineur, op.11 qu�il avait compos� et ex�cut� � Varsovie et � Vienne avant d�entendre et conna�tre � Paris Kalkbrenner qui ne se produisit pas en Pologne. La critique viennoise acclama le jeune pianiste, mais reconnut une ressemblance th�matique de son Concerto op. 11 avec le Concerto en la mineur de Johann Nepomuk Hummel (sa source d�inspiration) et certain manque �vident de vigueur et de contrastes dynamiques dans son interpr�tation, bien qu�il e�t jou� la version pour quatuor � cordes, quintette � vents et piano. Notons que Chopin, dans une lettre adress�e � un ami polonais fin d�cembre 1831, �crivit qu�il rencontrait Kalkbrenner tous les jours, soit chez lui, soit chez Kalkbrenner (?) mais ne pr�cise pas la raison de ces rencontres quotidiennes. Peut-�tre s�agit-il des le�ons de piano clandestines. Kalkbrenner �tait toujours tr�s sollicit� et ne se rendait pas au domicile de ses �l�ves. Dans son compte-rendu paru le 3 mars 1832 dans La Gazette musicale de Paris, F�tis, en parlant de l�interpr�tation de Chopin de son Concerto en mi mineur, constate ce manque de vigueur de son ton en esp�rant que ses �tudes avec M. Kalkbrenner ne manqueront pas de le doter de cette qualit� requise dans ses futures ex�cutions. Le compte-rendu de F�tis concerne le concert donn� par Chopin et 13 artistes invit�s dans les Salons Pleyel le 28 f�vrier 1832. (Chopin participa aussi � l�ex�cution de la Polonaise pour 6 pianos de Kalkbrenner). Le 20 mai 1832 Chopin se produisit avec le fameux hautbo�ste Henri Brod (1799-1839) dans un concert organis� par le fils a�n� du Mar�chal Ney, duc de la Moskova au profit des indigents de Paris. La critique salua sans r�serve le hautbo�ste et se contenta de constater la faiblesse des sonorit�s �mises par le pianiste. Donc, les le�ons de Chopin avec Kalkbrenner devinrent un secret de polichinelle et dur�rent plus de trois ans. On sait aussi que Chopin allait �couter les �tudiants de Kalkbrenner dans sa classe au Conservatoire. Chopin admira sinc�rement le grand pianiste, mais �crivit dans sa correspondance que Effusio musica ne poss�dait le fonds �motionnel de son Concerto en mi mineur, ni de sa Ballade en sol mineur qu�il avait compos�e � Vienne !

Le c�l�bre violoncelliste Auguste Franchomme, n� � Lille en 1808, mort � Paris en 1884, commanda � Chopin la Sonate pour piano et violoncelle en sol mineur, op.65 en 1845. Chopin la termina en 1846, la d�dia � Franchomme et la cr�a avec lui le 16 f�vrier 1848. Ce laps de temps de deux ans nous permet de nous demander si Kalkbrenner n�avait pas supervis� la partie du piano caract�ris�e par certains axiomes typiquement germaniques qui n�apparaissent pas dans les trois sonates pour piano de Chopin. La partie du violoncelle, amend�e techniquement par Franchomme, est beaucoup plus proche de la mentalit� de Chopin. Cette derni�re �uvre de Chopin publi�e avant sa disparition et cr��e au cours de sa derni�re apparition sur une estrade parisienne a attir� les grands interpr�tes du XXe si�cle (Jeanne-Marie Darr�, � Andr� Navarra, Martha Argerich � Mstislav Rostropovitch, Jacqueline du Pr� � Daniel Barenboim, par exemple), mais reste relativement peu jou�e.

Les le�ons avec Kalkbrenner port�rent fruits. Chopin devint capable non seulement d�aborder une foule de 500 auditeurs � Rouen, qui admir�rent ses interpr�tations et ne saisirent pas les messages de ses compositions, mais de faire face � un grand orchestre londonien en 1848.

D�aucuns constatent une influence de l�esth�tique de Kalkbrenner sur l�Andante spianato compos� en 1834 � Paris pr�c�dant la Polonaise en mi b�mol majeur, op. 22 de Chopin, con�ue en Pologne en 1830, probablement � cause des septi�mes souvent rencontr�es dans les compositions de Kalkbrenner et de la superposition de deux entit�s de genre diff�rent, l'Andante spianato �tant un nocturne m�ditatif �motionnellement profond et la Polonaise, initialement pr�vue pour piano et orchestre, garde son caract�re folklorique et militaire avec la fanfare qui ouvre la danse � trois temps, sans commentaires notables du cr�ateur. Opus 22 de Chopin est rarement entendu sur les estrades. D�autre part le mot italien spianato, difficilement traduisible, d�peint le jeu de Kalkbrenner. On pourrait penser que l�esprit de la tr�s belle Polonaise op. 55 en si majeur de Kalkbrenner, compos�e et publi�e � Londres par Clementi en 1821, e�t anim� techniquement l��criture de certaines polonaises de Chopin, compos�es � Paris apr�s 1832 et, peut-�tre la conclusion de l��tude op.25 n�5 en mi mineur, qui contiennent de nombreuses digressions qu�on trouve fr�quemment dans les �uvres de Kalkbrenner, ainsi qu�une certaine redondance ornementale (tr�s appr�ci�e par le grand public).

Actionnaire de la firme Pleyel, Kalkbrenner recommanda le jeune pianiste polonais � l�industriel et compositeur Camille Pleyel, qui organisa ses d�buts officiels dans les Salons Pleyel en 1832, publia son Rondo op. 16 en mi b�mol majeur, ses Quatre Mazurkas op. 17 et son Bol�ro op. 19 en la mineur et organisa la premi�re tourn�e de Chopin en Angleterre en 1837  ! Ce geste spontan� de Kalkbrenner est une preuve de la grandeur de son caract�re. H�las, ces gestes de g�n�rosit� de Kalkbrenner et de Pleyel n�emp�ch�rent pas Chopin de prendre parti des d�tracteurs de Kalkbrenner et de traiter Pleyel de cr�tin dans sa correspondance !

Kalkbrenner fut tr�s sociable et hospitalier. Ses matin�es musicales, donn�es dans sa demeure parisienne et dans sa propri�t� � Rambouillet furent tr�s courues. Le baron de Tr�mont (filleul de Louis-Philippe, officier de l�arm�e fran�aise, qui rencontra Beethoven � Vienne) pr�senta Berlioz � Kalkbrenner. Berlioz se sentit tr�s honor� et �crivit � sa s�ur en d�cembre 1829 : "M. le baron de Tr�mont, grand et c�l�bre amateur de musique, donne tous les dimanches � 2 heures de superbes matin�es musicales ; j�ai d�n� la quinzaine derni�re avec lui chez Kalkbrener (pianiste et p�dagogue fameux), et il m�a invit� � ses matin�es." Aussi, fut-il polyglotte, s�exprimait couramment et �crivait correctement en fran�ais, en anglais, en italien et en allemand. (Son d�tracteur principal Henri Heine, parisien d�adoption, faisait des fautes flagrantes d�orthographe et de syntaxe dans ses �uvres publi�es en fran�ais, qui �chapp�rent souvent � ses n�gres fran�ais dont les noms il occultait.)

* * *

 

Fr�d�ric-Guillaume Kalkbrenner fut un excellent p�dagogue. Il transmit son savoir � deux g�antes pianistes du XIX si�cle, Marie-F�licit� Moke-Pleyel (1811-1875) et Arabella Goddard (1836-1922) (voir nos articles sur ce site) et � un extraordinaire professeur de piano nomm� Camille-Marie Stamaty, n� � Rome le 13 mars 1811, mort � Paris le 19 avril 1870, qui forma Louis Moreau Gottschalk (1829-1869) (voir notre sur ce site) et Camille Saint-Sa�ns (1835-1921) (voir notre article en portugais sur www.classical-composers.org). Il n�imposa jamais � Marie Pleyel et � Arabella Goddard ses �uvres, ni demanda � Camille-Marie Stamaty de recommander ses compositions � ses nombreux �l�ves. Kalkbrenner ne fut point jaloux de son illustre coll�gue, le pianiste et compositeur slovaque Johann Nepomuk Hummel qu�il entendit et rencontra pendant son s�jour � Vienne et dont le Concerto en la mineur fut interpr�t� par la petite Arabella Goddard � la cour de Louis-Philippe. Encore une preuve d�honn�tet� d�ontologique du grand p�dagogue.

L��minent professeur de piano au Conservatoire de Paris, compositeur et f�cond musicographe Antoine-Fran�ois Marmontel (n� � Clermont-Ferrand le 16 juillet 1816, mort � Paris le 16 janvier 1898) �crivit en 1878 que Kalkbrenner se consacrait avec une ardeur de d�vouement � sa classe de piano au Conservatoire, y maintenant les grandes traditions, l��tude approfondie, l�analyse raisonn�e des ma�tres anciens qui l�avaient form� lui-m�me : Bach, H�ndel, Haydn, Mozart et Clementi.

Kalkbrenner expliqua et d�crivit ses principes p�dagogiques dans son ouvrage th�orique M�thode qui vit le jour onze ans apr�s sa mort. Il souligna l�importance des gammes dans l�acquisition et le maintien de la technique pianistique. Ses exercices plurent beaucoup � Charles-Louis Hanon (1819-1900) et � Alfred Cortot (1877-1962), qui imit�rent sans scrupules Kalkbrenner dans leurs ouvrages du m�me genre ! Les 60 exercices de Hanon devinrent tr�s populaires en Russie et aux �tats-Unis d�Am�rique o� l�on en parle encore. Il est vraiment �tonnant de voir que l�ouvrage de Kalkbrenner intitul� Indispensables Scales (Les gammes indispensables) avait �t� mis en vente en Australie au XIX si�cle par W. H. Glen and C� Music Seller Melbourne, W. H. Paling and C� Ltd. 356, George Street Sydney, T. L. Hood Music Seller Liverpool and Elizabeth Streets Hobart (Tasmanie)!

Encore une preuve de l�immense popularit� de Kalkbrenner dans le monde.

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Le Concerto pour piano et orchestre num�ro 1, �uvre (sic) 61, de Kalkbrenner, d�di� � sa Majest� Alexandre 1er, Empereur de toutes les Russies, � (cette d�dicace surprend un peu ; Alexandre I fut ami et ennemi de Napol�on, signataire de l��ph�m�re Alliance franco-russe, mais fut aussi t�moin de l�incendie de Moscou ; il vivait en bonne intelligence avec les Prussiens ; une place � Berlin porte son nom) � publi� chez Pleyel et fils a�ne (sic), boulevard Montmartre � Paris, grav� par Richomme, graveur du Roi, fut son cheval de bataille tr�s connu et admir� � son �poque. Interpr�t� par son auteur, ce Concerto �blouissait et magn�tisait le public. La partition pr�sente une belle facture harmonique. �crit par un virtuose et destin� aux virtuoses, le premier concerto de Kalkbrenner ne contient pas de passages d�pourvus de contenu. Sans empreinte �motionnelle marquante et signes �vidents d�originalit�, mais riche en id�es typiquement pianistiques, habilement et pertinemment soutenues par les hautbois et les clarinettes, il retient l�attention par ses accents lyriques et dramatiques, suivis de certaines exclamations en gammes chromatiques, souvent en doubles tierces, quelques fioritures anodines et d�arp�ges bris�s surtout dans le deuxi�me mouvement Adagio di molto (sic) qui ne laissa pas les romantiques indiff�rents, ainsi que les trilles diaboliques simultan�s en septi�mes do � si b�mol (la main gauche) et en tierce mi � sol (la main droite).

La Fantaisie Effusio musica est certainement l��uvre la plus connue de Kalkbrenner. Elle est d�di�e � Charles Simon Catel et englobe six sections : Sostenuto - Allegro agitato - Molto adagio - Risoluto - Prestissimo - Non tanto allegro. Elle est con�ue dans le m�me esprit que le Concerto et exploite toutes les possibilit�s du piano "moderne" avec quelques surprenantes indications d�emploi de p�dale (certainement dues au compositeur lui-m�me).

Le titre Pr�ludes (24) pour le piano-forte dans tous les Tons (sic) majeurs et mineurs pouvant servir d�Exemple (sic) pour apprendre � pr�luder, d�di�s � Mademoiselle Clotilde de Courbonne (son �l�ve, fille du comte de Courbonne qui avait un salon musical � Paris ; Chopin s�y produisit avec son �l�ve Madame Dubois, dite Camille O�M�ara le 7 mars 1847, donc il garda toujours le contact avec Kalkbrenner ! ), op. 88, Paris chez I. Pleyel et Fils a�ne (sic), boulevard Montmartre � d�voile le caract�re didactique de cette �uvre de Kalkbrenner :

Preludio 1� en ut majeur- apr�s une introduction � la Clementi, rend hommage au Pr�lude de Bach exprim� en ut majeur,
Preludio 2� en ut mineur contient un cantabile simple et expressif entre deux alin�as con brio,
Preludio 3� en r� b�mol majeur moderato pr�sente une agr�able pens�e se terminant par quelques mots audacieux � cette �poque,
Preludio 4� en ut di�se mineur est une habile improvisation mat�rialis�e par �criture, ainsi que :
Preludio 5� en r� majeur brillante,
Preludio 6� en r� mineur energico et
Preludio 7� en mi b�mol majeur allegro di molto
montrent une certaine vivacit� d�esprit qu�on retrouve dans les :

Preludio 8� en sol b�mol majeur moderato,
Preludio 9� en mi majeur tempo giusto,
Preludio 10 en mi mineur � vivace,
Preludio 11 en fa majeur � allegro ma non tropo techniquement fort bien con�us et pr�parant l�av�nement du :
Preludio 12 en fa mineur lento tr�s inspir�, rappelant les mouvements lents de certaines sonates de Beethoven.

Dans les :
Preludio 13 en fa di�se majeur allegro non tropo,
Preludio 14 en fa di�se mineur molto allegro agitato et
Preludio 15 en sol majeur andante sempre legato,
l��l�ment technique domine avec une certaine espi�glerie inspir�e.

Preludio 16 en sol mineur moderato ma risoluto pose une question myst�rieuse.

Preludio 17 en la b�mol majeur adagio non tropo exprime amplement la r�ponse � la question pos�e dans le pr�lude pr�c�dent, la commente assez ardemment et se termine par une longue et amusante fioriture veloce qui ne laissa pas les romantiques indiff�rents.

Preludio 18 en sol di�se mineur allegro tempestoso est une �tude techniquement int�ressante.

Preludio 19 en la majeur con fuoco est un caprice.

Preludio 20 en la mineur est une improvisation instantan�e assez fade.

Preludio 21 en si b�mol majeur allegro di molto est un exercice technique.

Preludio 22 en r� b�mol mineur adagio est une �tude.

Preludio 23 en si majeur lento est assez beethovenien.

Preludio 24 en si mineur allegro agitato, le plus long qui cl�t le recueil, est une fantaisie �crite par la main du ma�tre, techniquement habile et musicalement �loquente.

Notons que les 24 pr�ludes furent publi�s aussi � Amsterdam par Van Sambeek Edities qui �ditaient les �uvres de compositeurs contemporains � cette �poque, entre 1780-1850.

Kalkbrenner publia aussi la collection de Vingt-quatre Etudes dans tous les Modes (sic) Majeurs et Mineurs (sic) pour le Piano-Forte, d�di�es A (sic) Muzio Clementi, �uvre 20, Chez Sieber p�re, Editeur et Md. Musique (sic), rue Coquilli�re N� 22. Cet ouvrage repr�sente un hommage respectueux et admiratif � son mentor et ma�tre � penser.

Le grand pianiste composa aussi :

- 3 Sonates op.1,
- 3 Sonates op. 4,
- Sonate en fa majeur op. 13,
- Grande sonate en fa majeur op. 28,
- Sonate en la b�mol majeur op. 35,
- Sonate op. 40,
- Sonate pour la main gauche op. 42,
- Sonate dramatique op. 46,
- 4 Sonates � quatre mains,
- Grand duo pour deux piano (sic) publi� � Leipsic (sic) par Kistner,
- Etudes pour piano op. 185 publi�es � Amsterdam par Editions Heuwekemyer avec le texte suivant en fran�ais : Trait� d�harmonie du pianiste � principes rationnels de la modulation pour apprendre � pr�luder et � improviser. Exemples d�Etudes (sic), de fugues et de pr�ludes pour le piano,

et :

- 5 Trios avec le piano,
- Grand quintette op. 30 (piano, fl�te, 2 violons, alto et violoncelle (contrebasse ad libitum),
- 1 Quintette avec piano op. 81,
- 1 Sextuor avec piano op. 58,
- Grand Sextuor op. 135 avec accompagnement de violon, violoncelle, contrebasse et 2 cors, publi� � Leipsic (sic) par Kistner,
- 1 Septuor en la majeur, op. 132 (piano, basson, clarinette, cor, hautbois, contrebasse (enregistr� dans les studios de la station Sender Freies � Berlin en 1980),
- 4 Concertos pour pianos et orchestre ( ces quatre concerti ont �t� jou�s et enregistr�s par la radiodiffusion australienne r�cemment par Howard Shelley, pianiste et chef-d�orchestre symphonique de Tasmanie ; le pianiste fran�ais Samson Fran�ois avait interpr�t� le Concerto n�2, en mi mineur, op.85 avec l�Orchestre national de l�Op�ra de Monte Carlo dirig� par Louis de Fr�maux),
- Grand concerto pour 2 pianos et orchestre,
- 1 Stabat Mater,
- 1 Cantate,
- Variations sur une mazurka de Chopin,
etc�

H�las, le grand pianiste ne laissa pas de magnum opus. La rigueur de la tr�s belle architecture avec les ornementations ext�rieures de ses �uvres domine les sentiments et leur impact �motionnel. Les motivations �motives qui d�clenchaient les processus de cr�ation de Kalkbrenner sont souvent voil�es par les r�gles acad�miques arbitraires strictement observ�es est appliqu�es, toutefois avec quelques heureuses exceptions. Sa verve et, parfois, son audacieuse espi�glerie scripturale, rendaient ses �uvres plaisantes et accessibles au public de son temps. Il avait des imitateurs parmi les romantiques de la deuxi�me vague bien qu�il n�e�t jamais enseign� la composition.

Selon certaines sources universitaires am�ricaines et certaines sources allemandes, Kalkbrenner composa aussi 3 op�ras :

- Der Sprung �ber den Schatten op.17,
- Orpheus und Eurydike op. 21,
- Bluff op. 36 a.

Curieusement, tr�s curieusement, le compositeur Ernst Krenek (1900 � 1991) composa trois op�ras portant les m�mes titres et les m�mes num�ros d�opus :

- Der Sprung �ber den Schatten, op. 17 en 1923, donn� en premi�re audition � Francfort en 1924,
- Orpheus und Eurydike, op. 21 donne en premi�re audition � Cassel en 1926 et enregistr� par l�Op�ra de Bielefeld r�cemment,
- Bluff, op. 36.

* * *

 

Ceux qui, sans nous conna�tre assez, pensent mal de nous, ne nous font pas de tort : ce n�est pas nous qu�ils attaquent, c�est le fant�me de leur imagination.

La r�gle de Descartes, qui ne veut pas qu�on d�cide sur les moindres v�rit�s avant qu�elles soient connues clairement et distinctement, est assez belle et assez juste pour devoir s��tendre au jugement que l�on fait des personnes.

Apr�s l�esprit de discernement, ce qu�il y a au monde de plus rare, ce sont les diamants et les perles. (9)

Voya Toncitch
Paris, Malte, septembre 2012

 

P. S. La jalousie st�rile et la haine impuissante que Claudio Arrau (1903 � 1991) et Sviatoslav Richter (1915 � 1997) vouaient gratuitement et exprimaient publiquement au g�nie pianistique de Maurizio Pollini, n� en 1942, refl�tent cette maladie d��me inv�t�r�e et contagieuse. Nous profitons de l�occasion pour exprimer nos souhaits sinc�res de prompt r�tablissement � Monsieur Pollini, accompagn�s de notre ind�fectible admiration. Ces ph�nom�nales interpr�tations d��tudes symphoniques op. 13 et de la Sonate en fa di�se mineur, op. 11 de Schumann et de la monumentale Deuxi�me Sonate de Boulez restent grav�es en traits ind�l�biles dans notre m�moire.

 

 

 

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Notes de l'auteur :

1. Christian ou Chr�tien Kalkbrenner naquit � Minden, le 22 septembre 1755 et mourut � Paris le10 ao�t 1806. Il connut son premier succ�s avec sa premi�re symphonie ex�cut�e � la cour et re�ut une r�compense p�cuniaire assez substantielle du landgrave.

Sa Messe solennelle fut tr�s appr�ci�e � l�Acad�mie philharmonique de Bologne et sanctionn�e par un brevet de membre honoraire de cette illustre institution italienne. La reine de Prusse le nomma ma�tre de chapelle � Berlin en 1785. Le prince Heinrich de Prusse l�engagea � Rheinsberg avec des �moluments royaux. Le Th��tre de Rheinsberg pr�senta ses op�ras qui furent toujours tr�s bien re�us. N�anmoins, Christian Kalkbrenner d�cida de rompre le contrat sign� avec le prince Heinrich et se rendit � Naples, capitale mondiale d�op�ra � cette �poque poss�dant un th��tre de 3300 places, avec sa famille, o� il eut moins de chance qu�en Allemagne, se retira avec l�arm�e napol�onienne et s��tablit en France. Il fut engag� comme chef de ch�ur par l�Op�ra de Paris en 1799 jusqu�� sa mort en 1806. Christian Kalkbrenner monta Don Giovanni de Mozart � l�Op�ra avec des modifications textuelles et les adjonctions peu orthodoxes qui ne rest�rent pas inaper�ues par le public. Il pr�senta aussi une parodie ind�cente de la Fl�te enchant�e de Mozart.

Christian Kalkbrenner avait �pous� en 1784 la veuve d�un capitaine de l�arm�e prussienne qui �tait "bien vue" � la Cour et parlait couramment le fran�ais (langue officielle des ch�telains allemands).

2. Louis Adam, n� le 3 d�cembre 1758 � Muttersholtz dans le Bas Rhin, mort � Paris le 8 avril 1848, pianiste, compositeur, professeur au Conservatoire de Paris de 1797 � 1848. Il publia une M�thode ou principe g�n�ral du doigt� pour le pianoforte en 1798 et une M�thode nouvelle pour le piano en 1802.

3. Charles Simon Catel, n� le 10 juillet 1773 � l�Aigle dans l�Orne, mort � Paris le 29 novembre 1930, fut co-fondateur du Conservatoire de Paris et membre de l�Institut. Il publia en 1802 un Trait� d�Harmonie tr�s pris� � son �poque et connut certains succ�s avec ses op�ras inspir�s par les �uvres de Voltaire : S�miramis en 1802 (livret de Philippe Desriaux) et Les Bayad�res en 1810 (livret de Jalabert). Les historiens de la musique lui reproch�rent le manque d�originalit�, mais reconnurent ses aptitudes p�dagogiques. Catel fut �l�ve de Gossec.

4. Le compositeur, claveciniste, pianiste et chef-d�orchestre et remarquable p�dagogue anglo-italien Muzio Clementi, n� � Rome le 24 janvier 1752, mort � Evesham dans Worcestershire le10 mars 1832, est consid�r� comme fondateur de l��cole de pianoforte et initiateur de la litt�rature didactique concernant ce "nouvel instrument". Il connut Mozart, Joseph Haydn et Beethoven qui admir�rent son indescriptible virtuosit�, l��l�gance de son style et ses sublimes improvisations. Clementi laissa 64 sonates pour piano, une vingtaine de symphonies et de nombreuses compositions de tous genres. On parle toujours de son ouvrage Gradus ad Parnassum, chrestomathie des apprentis pianistes . Muzio Clementi fut aussi un tr�s habile homme d�affaires, marchand d�abord, ensuite facteur de pianos de qualit� et exportateur et �diteur de partitions musicales. Beethoven lui conc�da le droit exclusif de publication de ses �uvres en Angleterre. Domenico Scarlatti, Joseph Haydn et Johann Christian Bach furent ses ma�tres � penser. D�aucuns voient dans ses rares et timides effusions lyriques l�influence du compositeur italien Ignazio Cirri, n� le 20 septembre 1711, mort le 13 juillet 1878, organiste et ma�tre de chapelle � Forli, dans Emilie Romagne, dont les 6 sonates pour clavecin et 12 sonates pour orgue furent publi�es � Londres.

5. Le fils de Kalkbrenner fut verbalement agress� par Henri Heine�ce petit gar�on de huit ans qu�il appelle monsieur mon fils, et � qui il accorde encore plus de talent musical qu�� lui-m�me, le d�clarant sup�rieur � Mozart. Ce petit bonhomme lymphatique et maladivement boursoufl�, qui dans tous les cas d�passe d�j� monsieur son p�re sous le rapport de la modestie, �coute son propre �loge avec le plus imperturbable sang-froid ; et de l�air d�un vieillard ennuy� et fatigu� des honneurs et des ovations du monde, il raconte lui-m�me ses succ�s � la cour, o� les belles princesses lui auraient bais� sa petite main blanche. L�outrecuidance de ce f�tus blas�, est aussi rebutante que comique� L�outrecuidance de cette prose �m�tique de Henri Heine nous para�t aussi ex�crable que mensong�re.

6. Lut�ce, Lettres sur la vie politique, artistique et sociale de la France � lettre LV. Paris, 25 mars 1843.

7. Fils du violoniste et chef d�orchestre de l��cole de Mannheim Wilhelm Cramer (1743-1799), Johann Baptiste Cramer naquit � Mannheim, en Allemagne le 24 f�vrier 1771. Ces parents quitt�rent d�finitivement l�Allemagne un an apr�s sa naissance et s��tablirent � Londres o� leur fils re�ut la meilleure �ducation anglaise et montra tr�s t�t l�int�r�t pour la musique. Ses parents confi�rent le talent de leur enfant prodige au grand Clementi qui en fit un tr�s grand pianiste virtuose. Cramer d�buta officiellement � Londres avec un Concerto de Dussek, obtint un succ�s retentissant, devint tr�s connu en Grande Bretagne. Le public et les critiques le surnomm�rent Glorious John. Sa technique fut ph�nom�nale, son jeu impressionnant et admirable. Il laissa de nombreuses compositions : plus de cent sonates pour piano, sept concerti pour piano et orchestre qui ne se maintinrent pas, mais ses 84 Etudes pour piano sont toujours connues des jeunes pianistes. Comme Clementi, John Cramer fonda sa propre maison d��dition Cramer & Co. Il s��teignit � Londres le 16 avril 1858.

8. John Field, illustre pianiste concertiste international irlandais et compositeur appr�ci� par Chopin et Liszt, n� � Dublin le 5 septembre 1782, mort � Moscou le 23 janvier 1837, fut brillant �l�ve de Clementi � Londres. Tr�s jeune, il conquit le public londonien, devint c�l�bre en Grande Bretagne et fut des tourn�es en vieux continent avec son ma�tre. Ils se rendirent en Russie en 1802 et connurent d�immenses succ�s qui l�encourag�rent de rester � Saint Petersbourg. Atteint d�un cancer � progression lente, John Field se rendit � Londres et subit une intervention chirurgicale en 1831. Peu de temps apr�s l�op�ration, il se produisit � Manchester. En 1832 il jouait son dernier Concerto � Paris et connut un succ�s d�estime. (Chopin assista � ce concert). Ensuite, John Field donna des concerts dans les grandes villes en Europe. Mais la sournoise maladie continua � le miner. En 1834-1835, il demeura dans un h�pital � Naples et regagna Moscou apr�s un bref s�jour � Vienne o� il donna trois concerts ! Tr�s affaibli, John Field donna son dernier r�cital � Moscou d�but janvier 1837 et all�gea ses souffrances avec une forte dose d�alcool le 23 janvier 1837.

Comme compositeur, Field est surtout connu par l��mancipation du genre "nocturne". Ses Nocturnes, que Chopin avait �tudi�s dans son enfance en Pologne, d�notent sa sensibilit�, son go�t raffin� et la limpidit� de son �criture pianistique exempte de parures superflues, mais ne poss�dent pas le fonds �motionnel des Nocturnes de Chopin. Field laissa aussi sept concerti pour piano et orchestre qui ne se maintinrent pas.

John Field fut mari� avec son �l�ve fran�aise Ad�la�de Percheren.

9. La Bruy�re dans Les caract�res, chapitre "Des jugements".

* * *

Notes de la R�daction :

10. La date de naissance de Kalkbrenner varie selon les auteurs : si des publications contemporaines mentionnent bien l'ann�e 1785 (Grove music, MGG, DBF, le Dictionnaire du XIXe s. de J.-M. Fauquet, le catalogue de la BNF�), d'autres auteurs, entre autres, Choron et Fayolle (1810), F�tis (1866) et Constant Pierre dans son ouvrage sur le Conservatoire (1900) parlent de 1784, tandis que Riemann (1913) et surtout Carles Dumes dans sa Notice biographique sur la vie et sur les travaux de Fr�d�ric-Guillaume-Michel Kalkbrenner, publi�e � Paris en 1842 du vivant du musicien, ainsi que La France musicale du 17 juin 1849, qui lui consacre un long article � l'occasion de sa disparition, �crivent quant � eux 1788� En effet, la raison de cette incertitude est que la d�claration de cette naissance, survenue dans les circonstances particuli�res que l'on sait, n'a pu �tre retrouv�e, sauf � n'avoir jamais �t� d�clar�e! N�anmoins de r�cents travaux nous ont permis de d�couvrir l'acte de mariage de l'int�ress�, c�l�br� le 12 septembre 1827 � la Mairie de Paris 1er ancien. Il nous livre quelques pr�cieuses indications, notamment que Fr�d�ric Kalkbrenner est "n� aux environs de Berlin, Prusse, le quinze octobre mil sept cent quatre vingt huit", qu'il est "fils majeur de d�funt Chr�tien Kalkbrenner, musicien, et de Marie Madeleine Weber, son �pouse" et qu'il r�sidait alors 33 rue Chantereine � Paris (actuelle rue de la Victoire dans le 9e arrondissement).

11. Le M�nestrel du dimanche 17 juin 1849 annonce la mort du musicien en ces ternes : "L'�pid�mie r�gnante, qui a exerc� tant de ravages dans ces derniers temps, s'est aussi appesanti sur le monde musical : Fr�d�ric Kalbrenner, le c�l�bre professeur de piano, a succomb� � une attaque de chol�ra. Ses obs�ques ont eu lieu mercredi dernier en l'�glise Notre-Dame-de-Lorette."

12. Ainsi que mentionn� supra, c'est le 12 septembre 1827 � Paris 1er ancien que Kalbrenner se marie, avec Marie Destaing (d'Estaing), "n�e Isle de C�phalonie, au mois de janvier 1802". Alors domicili�e 38 passage Sandri� (9e arr.) et avant, chez sa m�re, 357 rue Saint-Honor� (8e arr.), elle est "fille majeure de feu Jacques Zacharie Destaing, g�nal de Division, et de Anne Nazo, sa veuve." Ajoutons que le G�n�ral Destaing (1764-1802), dont le nom est grav� sur la 25e colonne de l'Arc de Triomphe de Paris, fut tu� � l'age de 37 ans, le 5 mai 1802 au Bois de Boulogne, d'une balle re�ue en pleine poitrine dans un duel avec le G�n�ral Reynier� Lors du mariage de 1827, les t�moins �taient, pour le mari� : Fr�d�ric Dizi, professeur de harpe, 47 ans, 108 rue de Richelieu, et David Baillot de Malpi�re, homme de lettres, 48 ans, 8 rue de Gaillon ; pour la mari�e : Pierre Louis Florent Aubert, ancien magistrat, 73 ans, 38 rue Basse du Rempart, et Camille Pleyel, compositeur de musique, 38 ans, 9 rue Cadet.

 


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